Ecrimagineur

Je suis heureux de vous accueillir dans mon blog ! Vous y trouverez des textes, de la poésie, des souvenirs de vadrouilles et de voyages intimes, que j'ai écrits, seul ou dans un atelier d'écriture, depuis 2001... J'ai pour sujets d'inspiration un thème imposé, un texte, une photo, un tableau, une musique, ou un morceau de mon existence...
Les "Ecrimages" sont les résultats de ces rencontres entre la lettre et l'image...
Je serai ravi de lire vos commentaires : Merci !
Loïc

samedi 27 juin 2015

Marins et marines.

Marins, marines.

Les marins et les ports : voilà le sujet, la « consigne » proposée aux écrivant(e)s de la communauté d'écriture « les croqueurs de mots », qui sera géré cet été par Enriqueta.
Je ne peux pas rater ça : c'est l'occasion ou jamais de me lancer, de prendre en marche ce grand train d'écritures, ce convoi de personnalités très différentes, et pourtant très liées.
Marins, ports ... ? "Fastoche", pour toi ! pourrait-on me dire. Voire ...

Fastoche ? Il me serait en effet assez facile de ressasser l'ambiance des romans maritimes, ceux de Pierre Mac Orlan, les chants de marins, et de servir tout chauds des vieux clichés.
Mais j'écris aujourd'hui depuis les bords de Loire, près d'Orléans : je viens d'y apprendre - moi qui ne connaissais que les "mariniers" - qu'il existe, ou existait deux marines, sur la Loire : le transport de marchandises, et celui de personnes, présentant de grandes différences dans les modes de travail et surtout dans les mentalités.
À Brest, quatre "marines" (au moins !) : la Royale (Marine Nationale), celle du Portde (port de Commerce), celle des pontons (la plaisance) et enfin quelques pêcheurs.
Je suis né en pleine période de reconstruction d'une ville totalement rasée par les bombardements américains et anglais de la fin de la guerre 39-45. Mes parents nous ont parlé, tout au long de notre jeunesse, de cette blessure qui les a littéralement traumatisés. Des quartiers disparus, le tram de l'époque, des noms de magasins, le Grand Pont tournant, me sont familiers, même si je ne les ai jamais connus, comme "Barbara", ou la Fanny de Laninon ...
Il y avait souvent beaucoup de monde, le soir, à "l'Abri de la tempête", dans une rue perpendiculaire à la fameuse rue de Siam. La faune des matafs (marins d'État), qui arboraient leurs bachis au pompon rouge, donnait à l'enfant que j'étais l'impression d'une foule bruyante, animée, mais sympathique et - le plus souvent - joviale et conviviale.
Je suis né juste au-dessus de ce bistro, chez moi, une nuit d'hiver. Je n'ai jamais su s'il pleuvait ce soir-là sur Brest, ni si la patrouille de la Police Maritime y avait fait une descente. Lorsqu'ils débarquaient, ceux-là, ça ne rigolait pas. Coups de matraques solidement appliqués, et au poste des punis, après un séjour dans la cellule de dégrisement ...
Mon père ne mettait jamais les pieds dans ce bistro. Il n'aimait pas, et surtout, fallait pas mélanger : les matafs d'un côté, les ouvriers de l'Arsenal de l'autre, non mais ! Les ouvriers, pour leur part, étaient bien plus nombreux à être "casés", pères de famille ... Pas la même vie.
Des cris, des bribes de conversations montaient parfois jusqu'à l'étage :
 "Indochine", puis "Algérie" ...

2015. Le nombre d'ouvriers de l'Arsenal s'est réduit comme peau de chagrin. On ne reconnaît plus les matafs dans les rues, car ils sont en civil. La curiosité est attisée l'orque l'on croise un marin étranger en escale : le jeu consiste à reconnaître le pays à l'uniforme.
Durant mon adolescence, et plus particulièrement en 1968, je ne voulais plus entendre parler des bateaux gris, car j'étais, comme beaucoup alors, pacifiste et antimilitariste. Dans le premier port militaire français, cela faisait un peu désordre ... !
Mon amour (le mot n'est pas trop fort) allait au port de commerce. Les noms des navires, leurs pavillons, leurs équipages, que je rencontrais sur les quais, m'invitaient aux voyages, comme un Marius breton. Je restais de longs moments à tenter de deviner l'origine du bateau, sa cargaison, creusant ma mémoire des cours de géographie économique et humaine.
J'ai depuis, bien sûr, rangé la Mobylette qui, à défaut des océans, me menait presque tous les jours au Portde.
Les tas de charbon ont disparu, les petits bistros aussi. Une grande salle d'animations culturelles les a remplacés.
Perte de l'âme d'une ville ? Nostalgie, quand tu nous tiens ... Qui a écrit "sans passé nous n'avons pas de présent" ?
Ah, j'oubliais : "À l'abri de la tempête" est à présent une agence du "Crédit Patate", comme on dit à Brest.

Loïc

11 commentaires:

almanito a dit…

C'est trop cout Loïc! J'en redemande, sous le charme de cette évocation. Tu as réussi à me transmettre la nostalgie d'un lieu et d'un monde que je n'ai jamais côtoyé!
Eh oui, les centres culturels, même animés des meilleures intentions ne peuvent rendre aux villes moderne la moelle qu'elles ont perdu. Quand au "Crédit Patate"...n'en parlons pas:)

Tizef a dit…

J'ai toujours cette nostalgie de Brest ... C'est une chose que beaucoup ne comprennent pas car ce n'est pas, c'est vrai, mais elle reste attachante, et très vivante. Je suis exilé (!!!) près de Quimper (à une heure de route !), ville très différente ...
Loïc

ABC a dit…

Tous les ports ont une belle Histoire, ils sont fascinants, car tournés vers la mer et les hommes d'équipage attirent les regards... je connais Brest, est vécu à Dunkerque, connais bien aussi les ports de pêche bretons, chacun a son charme qui ne se dément pas.
Merci pour cette entrée maritime dans le monde diversifié des croqueurs de mots...

Tmor a dit…

Un texte simple et direct qui en dit long sur le rapport entre l'homme et la mer. Merci.

enriqueta a dit…

Un beau voyage dans le temps, fort émouvant, qui séduit le professeur d'histoire que je suis. Merci d'avoir participé!

Tizef a dit…

C'est moi qui te remercie pour ton invitation ! Je continuerai avec plaisir à participer à cette communauté bien sympathique et dynamique.
Loïc

Martine85 a dit…

Je t'ai lu avec beaucoup de plaisir Loïc. j'aime les ports, les marins et tout ce qui touche à la mer. Et puis Brest est chère à mon cœur, C'est la ville de naissance et d'enfance de mon grand-père qui a connu les deux guerres. Il me parlait un peu de sa ville et autant ils m'ont amené à Quimper quand j'étais enfant (la ville de ma grand mère), ils ne m'ont jamais emmené à Brest. J'y suis allée pour la première fois j'avais 40 ans pour la visiter et la faire connaître aussi à mes enfants. J'aime beaucoup le poème Barbara de Prévert mon poète préféré. Belle participation à ce défi des croqueurs. Belle semaine

elisabeth a dit…

J'aime bien ces petites histoires où chacun se raconte. On fait avancer les souvenirs de jeunesse. Un beau texte pour la participation au DEFI des croqueurs lancé par Enriqueta auquel je participe également. Bon après midi.

Lenaïg a dit…

Je reconnais bien le Brest d'antan et celui de maintenant dans ton beau récit, Loïc. Je suis aussi née à Brest, à la clinique Delalande (qui n'existe plus, ce me semble) mais ne suis venue y habiter que dix ans après et ce pendant dix ans encore. Depuis, je me suis éloignée mais j'y retourne régulièrement. J'ai entendu mon père raconter certains faits que tu évoques et je me souviens aussi des marins dans les rues et des navires de guerre. Maintenant, il n'y en a presque plus, du moins visibles (la base sous-marine est en face ...).

Jeanne Fadosi a dit…

un beau texte pour suivre tes souvenirs de cette histoire de cette ville célèbre dans le monde entier.

almanito a dit…

Bonjour Loïc, suite à ton petit mot: j'ai volontairement fermé les commentaires sur mon blog, le mérite du texte revenant à Philippe Torreton dont j'ai publié le lien de façon à ce que vos commentaires soient pour lui.
Pour le reste, un peu que tu devais figurer parmi mes "incontournables", oui!!!! :))
Bonne journée et à bientôt Loïc.