La proposition d'hier, à "l'écume des mots" : Un souvenir d'enfance vous revient, vous le "déroulez" ...
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Panique sous les rails.
C'est moi, là,
sur la marche du trolleybus, vous vous souvenez, ces bus électriques alimentés par des câbles
qui fournissent leur courant grâce
à des perches.
Le plaisir est suprême,
quand on s’évade un instant de l'atmosphère
morose du trajet vers le boulot, et l'incident est beaucoup apprécié – surtout par les
enfants – lorsque
l’une des perches sort de son rail aérien. Le chauffeur doit alors (souvent
sous les averses) descendre du bus, tirer sur la perche, travail très délicat et qui
devient pénible
après la
troisième ou
quatrième
fois.
Moi, je suis monté
dans le trolleybus à
l'arrêt
« Coq Hardi », un lieu-dit du
quartier du Petit-Paris, à environ cinq cents mètres
de la place de Strasbourg, universellement connue (surtout par les Brestois, et
par les cyclotouristes du Paris-Brest). J’ai bien enregistré
les consignes, car c'est la première
fois que je vais utiliser seul ce moyen de transport. Papa est à l'Arsenal comme
tous les jours et maman doit s'occuper de mon petit frère Claude, qui a deux ans.
Et moi, j'en ai sept, je suis un grand, on me le répète
assez souvent, que « j’ai l’âge de raison » :
Je vais – je
dois – me débrouiller pour le
prouver.
Ici, pas d’ « hôtesse
d’enfants », nous ne sommes pas à la SNCF et encore
moins à Air France !
Ma destination, au centre-ville : le carrefour entre la rue de
Siam et la rue de Lyon. Cette dernière,
je la connais bien, j’y suis né
(à la
maison) et j'y ai vécu
pendant sept ans, jusqu'en 1959, quand le Brest de la Reconstruction est redevenu
habitable.
Je me rends aujourd'hui, seul, donc, chez l'orthopédiste pour qu'il vérifie l'état de mes voûtes
plantaires ainsi que l'adaptation de mes «chaussures orthopédiques» à l'évolution de la
croissance. Ces engins de torture commencent vraiment à
devenir insupportables, par leur aspect dont se moquent les copains, et par les
douleurs provoquées … : vivement la fin !
Mais pour l’instant
j’ai d’autres préoccupations.
Je me répète, sans arrêt, comme une
litanie, le trajet : Je dois descendre après
la Grande Poste. Facile à
repérer,
tout de même,
a décrété ma mère
: juste après
le Monument aux Morts ! Unique, privilège
agréable, même,
ce voyage – long à mes yeux - qui descend la rue Jean-Jaurès sur toute sa
longueur (un kilomètre, au moins !).
Grâce à
la circulation intense et aux arrêts
fréquents,
j'ai tout loisir pour profiter de toutes les vitrines, principalement les
expositions de jouets, car nous approchons de Noël…
Place de la Liberté
(ou « place Charles-de-Gaulle » - je n'ai jamais su, car ma
grand-mère parlait, elle des « Glacis »
) la Poste, un des premiers grands bâtiments
construits après
la guerre. J'observe tout ce qui se passe : les enfants qui observent
attentivement la vitrine du magasin de jouets le plus huppé
et le plus cher de la rue de Siam, les matafs (marins), leurs beaux uniformes
et leurs bachis (« Caressez-moi le pompon, ça
ne coûte qu’un bisou ! », j'ai à présent
la tête tout à fait ailleurs…
Mon arrêt,
bon Dieu ! Voilà le
square Wilson, sous le kiosque y joue une fanfare, puis le Monoprix ! Je suis
glacé d'effroi.
Réflexe immédiat,
je me tourne dans tous les sens, persuadé
que tous les regards sont braqués
sur moi. Je croise les bras sur ma poitrine, persuadé de me faire moins remarquer, comme si un
haut-parleur venait d’annoncer solennellement, et en répétant, ma bévue… Je
suis très
certainement rouge écarlate,
je suis donc facilement repérable, je sens que je vais éclater (et même,
peut-être,
faire dans ma culotte).
Mais un voyageur a sonné pour demander l’arrêt
suivant, devant le magasin exotique qui fleure si bon tout ce qu’on
peut trouver qui vient de si loin…
Sauvé, je suis sauvé ! Je saute littéralement, à
pieds joints, quitte à
me fracturer une jambe. Mais ce serait tellement moins grave …
La prochaine fois j'essaierai le vélo,
mais maintenant, le plus difficile va être
le retour à la
maison …
Loïc
3 commentaires:
Un vrai brestois ! Je suis arrivée à Brest à l'âge de 17 ans... et je suis née en 59 ! Je connais bien les rues dont tu parles car nous avons habité Bd Jean Moulin pendant un moment. Je suis arrivée à Brest avec mes parents en 77. J'ai connu les pompons rouges ! J'avais une camarade qui les collectionnait ! Elle en avait plein son cartable ! Merci de ton récit, j'aime bien ton écriture ! Bonne soirée Loïc.
et ce n'est pas évident une première fois de voyager seul
Merci Claire !
J'ai vécu à Brest de 1952 à 1983 ... Je connais donc bien la ville qui m'est encore chère. J'habite à présent à une dizaine de km au sud de Quimper, bien plus belle que Brest, mais bien moins vivante et moins "populaire" ...
Mes parents m'ont raconté "qu'avant" (avant la guerre) il y avait les jeune filles (c'était celles de bonne famille, qui caressaient les pompons rouges pour un bisou), et celles que l'on nommait les "poupées brestoises" (ou brestôazes, avec l'accent), qui usaient et vivaient de leurs charmes, dans des quartiers (par exemple l'actuel Bd Jean-Moulin) qui étaient les plus mal famés des la ville, et qui sont devenus ensuite ("après" ...) les plus huppés !
Ta camarade était donc du bon côté ! (sauf si elle collectionnait ceux qui étaient sous les pompons rouges, et non les pompons eux-mêmes ... Mais cela ne nous regarde pas !)
Loïc
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