Gamelles.
Eneos, égayé
par le délicieux engourdissement dû au poiré rituel du midi au moment de la
pause casse-croûte, pose burin et marteau, s’assoit sur le roc qu’il a déjà
bien entamé.
Il ouvre –
une des meilleures minutes de la journée – sa gamelle métallique. Ah !
cette gamelle ! Elle est son objet familier, intime, reçu en cadeau de son
père, le dernier jour de sa période de formation de tailleur de pierre.
Un
merveilleux fumet de purée de pommes de terre envahit ses narines. De la purée,
seule ? non, bien sûr : Sa chère Anita lui a préparé ce matin une
belle viande en sauce, bien revigorante et qui « tient bien au corps »
… Bourguignon, kebab, coq au vin, peu importe, Anita est un cordon bleu
hors-pair. Er c’est certainement excellent, et si bon pour le moral.
Alors, stop
à la poussière de la pierre ; et puis aujourd’hui c’est vendredi, demain
son outil sera la raquette, le tournoi de tennis avec son copain Yanis.
Mais tout
cela serait trop beau. Dans ce coin de Grèce (comme dans tout le pays d’ailleurs)
les villages sont envahis de chiens et de chats, qui n’appartiennent à
personne, et qui sont donc les animaux de toute la communauté, nourris et
soignés par tout le monde.
Un chat est
apparu, s’est approché de la gamelle posée sur les genoux, il a sauté … Tout
est à terre, et sur le pantalon …
Eneos en
pleurerait. Non pas à cause du gâchis de la nourriture, mais pour la sortie
violente de son joli rêve quotidien. Sa déception est immense, il enrage. Le baba
au rhum du dessert ? il le jetterait bien à la tête de ce foutu gros chat.
Au dîner, ce
soir, il tentera sans doute de se remettre du cœur au ventre, grâce à une bonne
rasade d’ouzo. Mais … ce ne sera pas pareil …
Loïc