Tout petit, déjà, quand je n’étais encore qu’un petit mot,
j’étais persuadé d’avoir un grand avenir… »
"...d’avoir un grand avenir."
Mon père m’avait fourré cette détermination dans le crâne ; il était bouffi de certitudes, ne supportait pas la contradiction, et très fièrement me surnommait toujours « mon p’tit gars ». Ce mot était magique, pour lui comme pour moi.
Mais pour lui, « un gars ce n’est pas une fille » ; très rétro, il était coincé dans ce système de pensée que ma mère avait renoncé à modifier.
Machiste, misogyne, il l’était et le resterait. Ma mère répliquait parfois à ses provocations : « On ne discute pas avec un vieil imbécile, car aucune chance de le rendre intelligent ! »
Belle ambiance à la maison !
Il en collait, du « p’tit gars », à toutes les sauces. Il m’avait d’office confié une mission : Je devais transformer le p’tit gars en homme. Mais je n’ai jamais bien compris en quoi consiste ce qu’il appelait un homme… Quelqu’un de grand ? de fort ? d’intelligent ? de puissant ? Un Superman, autrement dit ?
Ces soirs-là, lorsque le visage du père était bien rougi par l’emportement et la rage, le p’tit gars se recroquevillait dans un coin de la salle ou au fond de son lit, et commençait à pleurer, en cachette bien sûr car c’était évidemment un des premiers interdits de la maison.
Je fus tout au long de ma scolarité tourmenté, torturé même, obsédé par le désir de « réussir », comme il disait. Mot magique, « réussir ». Ou plutôt maléfique, empoisonné car il me pourrissait l’existence, me traumatisait, me harcelait, non pas parce que j’échouais souvent, mais parce que je ne parvenais pas à lui dire non. A enfin lui désobéir.
Puis je fis un jour connaissance avec un projet d’entreprise de menuiserie-ébénisterie. Je m’étais découvert la passion du travail du bois, et on m’avait affirmé qu’en Scandinavie on n’en manquait pas : Je serais facilement pris à l’essai après l’obtention d’un C.A.P. Je gravirais les échelons, au nez et à la barbe de mon paternel. Je pris bientôt l’avion pour Oslo, et en solo s’il vous plaît !
Je grimpai assez rapidement au poste de « patron » de cette entreprise prospère.
Alors… « Merci, papa ? »
Une précision, pour les personnes qui me connaissent et me lisent : Ce texte n'est d'aucune façon autobiographique.
Ce n'est donc pas du tout "du vécu" !
- Loïc