Après l'audition de « Coin de rue », de Charles Trenet.
Ma rue, c'était la
rue de Lyon, cernée par l'église Saint-Louis et l'Hôpital des Armées. Une rue
rendue très vivante grâce à la présence de halles, les halles les plus chics de
Brest, dans ce quartier le plus huppé de la ville.
Le policier, appelé
« l'hirondelle », passe à vélo dans une circulation encore assez restreinte, et
interpelle joyeusement les gars et les marins qui sortent de « l’abri de la
tempête », le bistrot au-dessus duquel je suis né. En face de ce bar, une école
en construction, qui me vaut le plus cruel souvenir d'un accident qui me cloua
plusieurs semaines dans un landau, le genou blessé…
De temps en temps
passent encore des marchands ambulants : le rémouleur, « ciseaux, couteaux, affûtés
», le marchand d’pillous*, et – mais plus rarement – le joueur d'orgue de
Barbarie, qui tourne l’air « Coin de rue », de Charles Trenet, en distribuant
des feuilles, pour les paroles.
Moi, je circule à
trottinette parmi tout ce monde, parmi les filles qui jouent au hula-hoop, et
je passe mon temps, avec les copains, à escalader les escaliers non terminés
des immeubles en construction. Le trolleybus électrique passe doucement,
presque silencieusement, semblant poussé par ses trolleys, les perches qui puisent
l'énergie sur les câbles suspendus, et qui se décrochent trop souvent.
Dans les petits
magasins, tout le monde se connaît, s'interpelle, plaisante, ou gronde…
l'ambiance de village, encore, en ce temps-là…
Le soir,
l'hirondelle est remplacée par une patrouille militaire, bien moins
sympathique, et de temps à autre nous avons le plaisir d'entendre des langues
étrangères sur le trottoir. Les marins, semblant comploter, se dirigent vers la
rue louche, qui nous est interdite. Que peut-il bien se passer ? « Secret
militaire »…, dit mon père…
Aujourd'hui, «
l'abri de la tempête » est une compagnie d'assurance, et l’épicerie–cordonnerie–boulangerie–crèmerie
est une banque, mais mes souvenirs sont toujours bien là !
*le
« pillaouer », en breton : le marchand de chiffons
'Années 50' … par Loïc
2 commentaires:
un beau texte, il est de vous !!
je ne parviens pas à cerner si c'est de vous, votre vie ou des extraits de romans-
désolée-
le mur sur Charles Trenet est à Narbonne dans l'Aude- pas en Bretagne-
bon mercredi- amitiés-
Oui, ce texte est de moi, et il raconte une partie de mon enfance (je suis né en 1952), dans la ville qui se relevait de ses ruines de guerre ...
Mon texte a été écrit au cours d'un atelier d'écriture "en chair et en os" : Nous écourtions une musique, ou bien regardions une photo, un tableau, ... qui nous inspirait.
LOIC
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