On
lui avait pourtant dit, pourtant, au Fernand, de ne pas sortir…
Mais son fils avait tant envie de cette formation à l'école
maritime. Il avait rêvé du noble métier de marin-pêcheur, il
adorait tout ce qui touche de près ou de loin à la mer.
Le
ciel était mauvais, pourtant, on le lui avait dit, à Fernand. Mais
Joël avait déjà fait son sac, préparé sa plus belle tenue du
dimanche, celle qu'il ne porterait plus par la suite que pour les
obsèques dans la famille, la petite, ou la grande, des marins du
petit port.
Le
ciel était mauvais, très mauvais. Mais il se devait, s'était
promis, d'aider Joël à bien démarrer dans la vie, à ne pas être
gêné devant ses camarades, à tenir son rang. Il aurait tout le
temps de rembourser, après quelques bonnes sorties en mer.
Les
femmes et les hommes, "réunis séparément", selon la
coutume, devisaient tête penchée ; leurs mots étaient rares et
pesants.
Joël
avait appris, par les attroupements dans les rues. Il était resté
de marbre, blanc comme un linge, comme les robes de sa mère et des
autres femmes. Immobile, il avait écarté les bras, levés vers le
ciel, l'air hagard.
Et
le cri. Un hurlement bestial, nourri d'épouvante et de douleur
mortifère, avait jailli de sa gorge, du plus profond de son être,
interminable, secoué de râles étouffés. Puis s'éleva une longue
plainte, qui quémandait, qui suppliait. Il criait à l'aide, au
secours, appelait d'une voix misérable au soutien de la communauté
et à la solidarité maritime.
Le
jeune homme était resté un long moment à genoux, le front contre
le sol, totalement immobile, puis s'était levé, très lentement. Il
semblait vouloir donner à son mouvement la mise en scène la plus
noble et la plus sincère possible.
7 commentaires:
La vie est un rêve qui nécessite parfois le sacrifice de ceux qui nous aime et, quand le destin frappe on reste meurtri et hébété. La mer est une amante très cruelle
Amicalement
Claude
"La mer n'est pas méchante" disait Jacqueline Tabarly ...
Le pauvre Joël s'en voudra toujours du sacrifice de son père . Bonne journée
Vaste sujet que le cri. Criant de vérité ton texte.
c'est superbe tout simplement ! Et si vrai
Un grand merci, "Caphys" ! j'en rougis, tiens ... !
un texte superbe comme un cri que dire d'autre
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