Brest, sept ans avant ma naissance ...
Je suis né au-dessus d’un bistro, disparu depuis, « à l’Abri de la Tempête ». Ma ville, c’est ma rue, et c’est un terrain de jeux.
Dans ma rue, la rue de Lyon, une fille (une grande, au moins dix ans) fait du hula hoop* pour nous épater. Je crois bien que j’avais le béguin pour elle…
Devant mon immeuble, une école en construction. Comme toute la ville, d’ailleurs. Partout, des ruines. Parfois, j’entends parler de gens qui ont disparu, volatilisés par une bombe américaine.
De ma chambre, je perçois (que n’aurais-je donné pour les comprendre !) les discussions mêlées et bruyantes des ouvriers de l’Arsenal, et parfois dans la rue viennent s’échouer des marins en goguette, qui ont perdu leur cap…
Régulièrement, passe le rémouleur, avec son triporteur : « Ciseaux, couteaux, coupez ! » ou le vitrier : « Encore un carreau d’cassé, v’là l’vitrier qui passe ! » Nous chantons avec lui… Puis ce sera le marchand de pillou. Lui, nous le craignons un peu…
Déjà, on voit un nombre assez important de voitures ; celle que je préfère est « celle qui louche » (la Peugeot 102, je crois, qui avait les phares très rapprochés derrière la calandre).
Dimanche, nous embarquerons, à six, dans la Juvaquatre offerte par Mémée, qui a gagné à la Loterie Nationale (un billet entier des Gueules Cassées, s’il vous plaît). Direction Argenton, ou Porspoder, les « montagnes russes », les vaches au derrière couvert d’une croûte qui nous fait, c’est une tradition, nous boucher le nez et leur tirer la langue.
Parfois aussi, nous quittons notre fief pour livrer bataille contre ceux de la rue Colbert (les fils de la Haute, les enfants d’officiers). C’est qu’il faut le défendre, notre domaine ! Ou alors, nous nous risquons encore plus loin : Rue Jean-Jo (Jaurès), où, les jours de fête, je suis effrayé par les Grosses Têtes, qui veulent m’attirer vers elles. Le plaisir suprême : monter « dans l’escalier roulant » des Nouvelles Galeries !
La dernière image inscrite dans ma mémoire de cette rue de Lyon est, tout au fond, inaccessible, l’Hôpital des Armées, dont le portail s’éloigne, alors que nous déménageons vers un « Petit-Paris » inconnu, presque la campagne.
J’ai sept ans, en 1959. Brest, la suppliciée, se fait reconstruire, lentement, vaillamment.
Papa était, aussi, ouvrier à l’Arsenal. Il n’allait jamais à « l’Abri de la Tempête »…
* : Qu'est-ce que c'est ? voir ICI ... et pour une première leçon, c'est ICI ... !
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