Sea, sun, and … Rien.
J’ai 17 ans, je vends des glaces et des boissons fraîches sur la plage en été.
Oh, ce soleil, c’est tuant … Je n’aurais jamais cru. Et la concurrence, féroce : chacun a son pré carré, malheur à celui qui transgresse les codes, comme un musicien dans le métro. La roue de ma carriole s’enfonce régulièrement dans le sable.
Le pire : les pieds, les jambes, écorchés, lourds. Je crains l’entorse, le chômage technique. Un ado fait le paon, sous forme de roues élégantes, devant les filles. J’en ferais bien autant, moi, mais mes forces sont à bout. Le jeune homme, de mon âge, me toise et fait le malin en m’interpellant : « Hé, pousse la plus vite, ta brouette ! Sinon on te la renverse ! « »
Mais j’ai ma fierté : ne pas faire une tête de chien battu, ne pas répondre, surtout pas. Un homme m’appelle, de loin, du haut de la plage : « Ici, mon gars ! » Il faut remonter, mais ça vaut le coup : quatre glaces, les parents et deux enfants. Je suis redescendu, un des enfants crie vers moi : « Non, je voulais plutôt un Coca ».
J’enlèverais bien mon T-shirt. Et si je m’asseyais un peu, pour souffler ? Je ne dois pas être torse nu : gare aux coups de soleil.
Un vieux couple. Chacun, dans sa chaise longue, s’occupe. Lui lit un policier, elle fait des mots croisés. « Te voilà bien courageux, on n’en voit plus beaucoup, des comme toi ! Allez on va te prendre deux Oranginas. Garde la monnaie, va ».
Trois gosses me suivent. Ils n’ont rien trouvé de mieux que de me jeter du sable, si possible dans ma carriole, en braillant une chanson paillarde, apprise lors d’une soirée de barbecue familial, et à laquelle ils ne comprennent sans doute que goutte. Leurs parents les regardent d’un air attendri. Le père entonne, lui aussi, la chanson, avec un grand sourire niais, mais reçoit un bon coup de coude de sa femme.
Je me laisse tenter : « allez, je m’en offre une autre. De toute façon tout va fondre, maintenant. Il ne faudrait tout de même pas que je lèche tout mon fond de commerce. Cela m’a valu, l’autre jour, de me retrouver le soir sans le sou.
Inhumaine, cette journée mais… « Ça te fera les pieds », m’a dit le voisin, toujours si aimable, en me voyant revenir, hier.
6 commentaires:
Quand certains s'amusent et prennent du bon temps, d'autres triment et suent sang et eau pour que les premiers puissent se pavaner
Amicalement
Claude
Dur dur. Travail = esclavage ? Le touriste se comporte comme le fait son chef à lui lorsqu'il bosse ?
Il y a en effet une sorte de jubilation vengeresse, et même du défoulement no limit !
Pas sympa, le voisin.
Amicalement
Alain
Il y a un peu de la petite marchande d'allumettes dans ton récit. Elle grillait une à une ses allumettes, ton héros léchait son fonds de commerce :) Pas toujours faile de servir les touristes, c'est vrai...
merci pour le partage !
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