Ecrimagineur

Je suis heureux de vous accueillir dans mon blog ! Vous y trouverez des textes, de la poésie, des souvenirs de vadrouilles et de voyages intimes, que j'ai écrits, seul ou dans un atelier d'écriture, depuis 2001... J'ai pour sujets d'inspiration un thème imposé, un texte, une photo, un tableau, une musique, ou un morceau de mon existence...
Les "Ecrimages" sont les résultats de ces rencontres entre la lettre et l'image...
Je serai ravi de lire vos commentaires : Merci !
Loïc

dimanche 5 juillet 2015

Les « penn sardin », chant des sardinières de Douarnenez.




Les « penn sardin », chant des sardinières de Douarnenez.

Toujours sur les croqueurs de mots : Cette fois nous choisissons un poème ou une chanson sur le thème de la mer, et nous disons pourquoi nous l’aimons.

…………………………………

La mer est (en cette période de vacances, particulièrement) synonyme de liberté, de temps libre… Mais encore aujourd’hui, du moins en Bretagne, elle est aussi (surtout ?) la mère emblématique de ces métiers spécifiques, de ces emplois directs ou indirects, du marin-pêcheur au mareyeur et au vendeur des halles, du matelot mécanicien au fourrier, au bosco, au pilote de l’Aéronavale… Une liste infinie.

Dès que les luttes sociales dans le milieu maritime sont évoquées, j’ai en tête la « grande grève » de 1924 après celle de 1905 des ouvrières d’usine (penn sardin) de Douarnenez, la première commune française –  tout de même – à avoir par la suite, élu un maire communiste. Tout est expliqué ici.

Claude Michel, avec sa gouaille et sa voix un peu éraillée, a composé cette chanson pour revendiquer haut et fort, fièrement surtout, son appartenance à ce milieu : militante sociale, et militante féministe. « Ce que je déteste par-dessus tout ? les machos ! » (À 80 ans, elle en a certainement connu plus d’un, dans sa jeunesse). Accordéon diatonique, harmonica, nous voici dans les chants de marins ? Non, pas tout à fait, car ici ce n’est pas le folklore des chants de travail (à hisser, à tirer, à ramer…). Nous sommes dans la revendication, la lutte sociale que n’ont pas forcément menée tous ces travailleurs de la mer, par empêchement, par ignorance, par manque de force…

Très souvent, les marins au long cours emportaient pour leur voyage un harmonica, ou pour les moins pauvres, un diato. On répétait alors des chants connus sur tous les ponts, et souvent internationaux. Ou alors, certains créaient de nouvelles chansons sur une musique déjà existante, lorsqu’une occasion se présentait : événement particulier à bord, bagarre, escale mouvementée...

À défaut d’être en tous points le reflet du travail de la vie à bord ou dans l’usine, ces chants respirent l’ambiance de l’époque, l’état d’esprit, parfois la joie d’être ensemble, mais la souffrance surtout.



Penn Sardin

Une chanson écrite par Claude Michel et composée par Jean-Pierre Dovilliers, parue sur l'album "Toi mon accordéon" et qui raconte la célèbre grève des sardinières de l'usine Carnaud en 1924, symbole de la prise d'autonomie et de l'engagement des femmes, symbole de l'histoire du Finistère (Article 1 - Article 2).
Il fait encore nuit, elles sortent et frissonnent,                                           
Le bruit de leurs pas dans la rue résonne.

Refrain :
  Écoutez l' bruit d' leurs sabots
  Voilà les ouvrières d'usine,
  Écoutez l' bruit d' leurs sabots
  Voilà qu'arrivent les Penn Sardin.

À dix ou douze ans, sont encore gamines
Mais déjà pourtant elles entrent à l'usine.

Refrain

Du matin au soir nettoient les sardines
Et puis les font frire dans de grandes bassines.

Refrain

Tant qu'il y a du poisson, il faut bien s'y faire
Il faut travailler, il n'y a pas d'horaires.

Refrain

À bout de fatigue, pour n' pas s'endormir
Elles chantent en chœur, il faut bien tenir.

Refrain

Malgré leur travail, n'ont guère de salaire
Et bien trop souvent vivent dans la misère.

Refrain

Un jour toutes ensemble ces femmes se lèvent
À plusieurs milliers se mettent en grève.

Refrain :
  Écoutez claquer leurs sabots
  Écoutez gronder leur colère,
  Écoutez claquer leurs sabots
  C'est la grève des sardinières.

Après six semaines toutes les sardinières
Ont gagné respect et meilleur salaire.

Refrain

Dans la ville rouge, on est solidaire
Et de leur victoire les femmes sont fières.

Refrain

À Douarnenez et depuis ce temps
Rien ne sera plus jamais comme avant.

Refrain
  Ecoutez l'bruit d'leurs sabots
  C'en est fini de leur colère,
  Ecoutez l'bruit d'leurs sabots
  C'est la victoire des sardinières.



Loïc

vendredi 3 juillet 2015

Mer courage.

Chez les "Croqueurs de mots" : Rendez un hommage  un océan, ou une mer ...
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Mer courage.

Si je devais te rendre hommage en un seul mot, Manche, ce serait « courage ».
Je t'ai toujours connue, tu fais partie de ma famille, car j'ai grandi chaque mois de juillet, de ma naissance à mes 14 ans, dans des vacances merveilleuses à trente kilomètres de Brest, notre port d'attache.
Tu n'étais alors que soleil, plages, jeux…
La Manche, the Channel, Mor Breizh, oui, mais toujours la même, indomptable et fougueuse : le passage maritime le plus fréquenté au monde est un boulevard encombré, où chacun doit en permanence prendre garde aux courants (le Fromveur, entre Ouessant et le continent, l'Iroise, à l'entrée de la rade de Brest, ...). Attention aussi aux collisions ! L'Abeille Bourbon, l'un des plus gros remorqueurs qui soient, et le Phare du Four, veillent. Un nom prédestiné, dans ce lieu face à Porspoder, où les vagues gigantesques, et les tourbillons du diable sont un véritable tambour de machine à laver.
Tu exprimais un courage immense en roulant tes eaux violées, outragées, et je me tenais debout, immobile et figé de stupeur, indigné, au bout de la Presqu'île Saint-Laurent, en 1978, lors de la catastrophe puante et gluante de l'Amoco Cadiz. Tu as, Manche, partagé avec nous une grande part de ton courage et de ta dignité, pour nous aider à surmonter l'ignoble.
Tout est aujourd'hui, voudrait-on nous faire croire, bien réglé, sécurisé, bien comme il faut, dans le Rail d'Ouessant.
Mais tu sais, bien mieux que nous, que Nature ne se soumet jamais.
Courage n'est pas inconscience, tu le sais bien, les gens de mer aussi.

Loïc


jeudi 2 juillet 2015

Dans notre rubrique "Du côté de chez nous" ... : Concert d'été du choeur "L'écho des vagues".

L’Écho des vagues,
chɶur  du Pays fouesnantais,

a le plaisir de vous annoncer
son prochain concert

le vendredi 10 juillet 2015
 à 21 heures
en l'église de Beg-Meil, Fouesnant

Ce concert, composé d'une première partie de chants sacrés (18ème) et d'une seconde d'airs d'opéra (19ème),  sera conduit par Pierre-Emmanuel Clair. La soliste soprano Mitsuyo Segura, interviendra dans quelques chants du chɶur et chantera également plusieurs airs en solo. La soliste mezzo Véronique Gervais interprétera notamment le solo du chɶur des Bohémiens. L'accompagnement sera assuré par Christian Riché au clavecin, puis par Arnaud Tessier au piano, ainsi que par Ruth Ehkirch au violoncelle et Laure Juillard au violon.

(entrée : 10 € sur place, 8€ en pré-vente dès maintenant à l'Office du tourisme de Fouesnant)
Vous trouverez ci-dessous l'affiche du concert, des précisions sur le programme, et une courte présentation des intervenants. Votre présence nous fera grand plaisir. Et n'hésitez pas à rediffuser ce mail d'information à vos amis et relations. 



                                                     
PROGRAMME

Il sera divisé en deux parties, une première baroque, accompagnée au clavecin par Christian Riché, une seconde de choeurs d'opéra accompagnée par Arnaud Tessier au piano.
La première partie sera l'occasion pour le choeur de présenter en totalité le Credo de Vivaldi qui n'avait été chanté que partiellement l'an passé, ainsi que d'autres oeuvres sacrées. 
Mitsuyo Segura, soliste soprane, interprétera Armatae face, extrait de Judith triomphans, d'A. Vivaldi.
En seconde partie le choeur chantera plusieurs oeuvres nouvelles :
- Va pensiero, Nabucco, G. Verdi
- Patria oppressa, dans sa version de 1865, Macbeth, G. Verdi
- Treulich Geführt, Lohengrin, R. Wagner
- Possente Fthà, Aïda, G. Verdi
- Choeur des bohémiens, Il trouvere, G. Verdi, avec en soliste mezzo Véronique Gervais.
Mitsuyo Segura interprétera  "Casta Diva" (Norma, V. Bellini)  et "Voi lo sapete" (Cavaleria rustica, P. Mascagni

Solistes : Mitsuyo Segura (soprano), 
Véronique Gervais (mezzo)
Clavecin : Christian Riché
Violon : Laure Juillard
Violoncelle : Ruth Ehkirch
Piano : Arnaud Tessier

Direction : 
Pierre-Emmanuel Clair

(Un programme détaillé sera remis à l'accueil le soir du concert)

L’Écho des Vagues, chɶur  du pays Fouesnantais, créé en 1980,  est dirigée depuis 2013 par Pierre-Emmanuel CLAIR. La chorale accueille une soixantaine de choristes qui travaillent un répertoire de chants sacrés et de choeurs d'opéra. Chaque année elle accueille avec plaisir de nouvelles voix, après audition (prendre contact : echodesvagues@gmail.com).

Pierre-Emmanuel Clair est d'abord chanteur d'opéra, puis diplômé en direction de chœur auprès de Roland Hayrabédian au Conservatoire de Marseille. Titulaire d'un master  en musicologie sur la musique italienne et le chant, il a rejoint en 2012 le Finistère et offre sa grande expérience pour la direction de chorales, la formation vocale, l'organisation de spectacles. 

Mitsuyo Segura-Hibi, est née au Japon et y a fait ses études musicales. Elle a ensuite suivi les cours de l’École Normale de Musique de Paris de 2007 à 2010. Elle a rejoint l’Écho des vagues en 2012 et enseigne à l'école de musique des Pays Glazik (Briec) et du Cap Sizun.

Véronique Gervais, soliste mezzo, a rejoint le chɶur en 2013. Elle s'est formée au chant en stage "Orgue en Cornouaille", ainsi qu'auprès de P. Figaro, et maintenant auprès de P.E. Clair.

Arnaud Tessier, après des études de piano, d'harmonie et de musique de chambre aux conservatoires de Nantes et de Rueil-Malmaison, enseigne le piano à l'EMDKB de Rostrenen. Il est concertiste et accompagne l'Echo des vagues depuis deux ans.

Christian Riché a longtemps été le claveciniste de l’ensemble Matheus, et joue avec les différents ensembles baroques de la région. Il se produit avec Viva Voce depuis 2005.

Ruth Ehkirch-Boranian, diplômée des conservatoires de Marseille, de Boulogne-Billancourt et de   Versailles, a commencé sa carrière dans différents orchestres dont l'Orchestre National de Lyon avant de se consacrer à l'enseignement. Professeur à Quimper de1980 à 2011, elle se produit dans plusieurs formations de musique de chambre (Quatuor opus 29, Ensemble baroque des Concerts d'Armor, Trio Lyris)

Laure Juillard s’est formée au Conservatoire du Centre de Paris (musique de chambre et alto, Frédérique Lainé), a obtenu la médaille d’or du CRR de St-Maur des Fossés (2004), et a acquis en 2013 le diplôme d’Etat de professeur de violon. Après un début de carrière en région parisienne elle enseigne désormais au CRD de Brest et habite la région fouesnantaise.


mardi 30 juin 2015

La pigouille



Pigouilli, pigouilla, pigouillons en chœur !

Oui, je viens de le vérifier : le verbe « pigouiller » existe ! Lignorer ne m'empêchait pas de dormir, mais tout de même, cette pigouille me trottait dans la tête depuis trois semaines.
J'ai fait connaissance avec cet humble outil sur les canaux du Marais Poitevin, à Coulon. Le batelier le manie en le poussant au fond pour faire avancer les barques qui promènent les touristes.





Le nôtre, de batelier, pousse, remonte sa pigouille, puis recommence, depuis déjà une demi-heure. Aucun signe de fatigue. Il porte bien, pourtant, quelque sept décennies, et il n'a certainement pas fait que cela toute sa vie.
Ils étaient trois ou quatre à lembarcadère, un groupe d'assez joyeux lurons qui profitent de la retraite en pigouillant  et en tenant le guichet à tour de rôle. Robert (appelons-le ainsi)  les a salués en partant, leur lançant une plaisanterie que nous navons pas comprise.
Robert nous a déjà débité tout l'historique du Marais Poitevin, le pourquoi, le comment, nous voici bien informés et nous nous coucherons moins bêtes ce soir. Je ne vous en ferai d'ailleurs aucun résumé : je ne veux pas être taxé de concurrence déloyale !
Le voyage doit durer, en principe, une heure. Restent environ vingt minutesRobert nous a fait le coup du méthane. Je n'ai pas pu lui prêter le briquet qu'il me demandait, car je ne fume pas. Il n'a, semble-t-il, plus grand-chose à nous dire, et la fin sannonce un peu pénible. D'abord, il fait froid, et de plus en plus humide. Bientôt une petite pluie vient, avec un petit vent, nous donner une seule envie, celle d'atterrir, au sens premier.

 Et surtout : Robert, le pauvre (?), nous raconte dans le détail, passant le long des champs, tous les potins du secteurIci, la propriétaire n'avait pas voulu céder une parcelle. Là, "ils" étaient en brouille depuis longtemps : les six passagers de la barque commencent à s'emmerder royalement !

Ces histoires, petites histoires et historiettes, les cancans, bruits de couloir et de cour de ferme, ont fini de nous achever
Vingt minutes de trop, hélas. Sinon, de beaux plans pour les photos, en compagnie de personnes sympathiques qui s'obligeaient, comme nous, à rire des blagues éculées du bonhomme, ou à ne rien répondre aux hautes réflexions affligeantes à propos des "crétins d'écolos".
Mais sans la pluie, et sans notre ami Robert, finalement, une bonne matinée !

Loïc
  

lundi 29 juin 2015

Nous revoici !

Nous allons pouvoir reprendre nos publications dans notre thème "Vadrouilles", 
puisque ... nous revenons d'une belle boucle en France !

Ce tour dans le sud de la France (tout ce qui se trouve au sud de la Loire, pour les Bretons comme pour la météo) nous a menés en Marais poitevin, en Périgord, dans les Landes, les Pyrénées, le Quercy, le Charolais, l'Orléanais, le val de Loire, puis retour en Finistère ... Ouf ! 
Oui, mais tout cela en un mois et demi, il ne faut pas pousser, tout de même !
Alors, nous allons (en alternance avec des textes) vous proposer des photos et petits récits de ce voyage, si vous voulez bien.
Nous commençons par Coulon, au centre du Marais poitevin : de superbes maisons ...

et une "croisière" dans le marais, un lieu étonnant, hors du monde ...
à suivre ...

dimanche 28 juin 2015

Et les "garçons" ?

Bonjour à tout le monde
J'ai une question : les blogs d'écriture sont tenus, dans une très large majorité, par des "filles", Comm on dit à la télé. J'en cherche en vain (sans sexisme !) des "de garçons", car je suis curieux de voir s'il y a des différences : choix des sujets, des thèmes, leur traitement ...
Auriez-vous des pistes ? Merci !
Loïc
loic/point/roussain/arobase/orange/point/fr

samedi 27 juin 2015

Marins et marines.

Marins, marines.

Les marins et les ports : voilà le sujet, la « consigne » proposée aux écrivant(e)s de la communauté d'écriture « les croqueurs de mots », qui sera géré cet été par Enriqueta.
Je ne peux pas rater ça : c'est l'occasion ou jamais de me lancer, de prendre en marche ce grand train d'écritures, ce convoi de personnalités très différentes, et pourtant très liées.
Marins, ports ... ? "Fastoche", pour toi ! pourrait-on me dire. Voire ...

Fastoche ? Il me serait en effet assez facile de ressasser l'ambiance des romans maritimes, ceux de Pierre Mac Orlan, les chants de marins, et de servir tout chauds des vieux clichés.
Mais j'écris aujourd'hui depuis les bords de Loire, près d'Orléans : je viens d'y apprendre - moi qui ne connaissais que les "mariniers" - qu'il existe, ou existait deux marines, sur la Loire : le transport de marchandises, et celui de personnes, présentant de grandes différences dans les modes de travail et surtout dans les mentalités.
À Brest, quatre "marines" (au moins !) : la Royale (Marine Nationale), celle du Portde (port de Commerce), celle des pontons (la plaisance) et enfin quelques pêcheurs.
Je suis né en pleine période de reconstruction d'une ville totalement rasée par les bombardements américains et anglais de la fin de la guerre 39-45. Mes parents nous ont parlé, tout au long de notre jeunesse, de cette blessure qui les a littéralement traumatisés. Des quartiers disparus, le tram de l'époque, des noms de magasins, le Grand Pont tournant, me sont familiers, même si je ne les ai jamais connus, comme "Barbara", ou la Fanny de Laninon ...
Il y avait souvent beaucoup de monde, le soir, à "l'Abri de la tempête", dans une rue perpendiculaire à la fameuse rue de Siam. La faune des matafs (marins d'État), qui arboraient leurs bachis au pompon rouge, donnait à l'enfant que j'étais l'impression d'une foule bruyante, animée, mais sympathique et - le plus souvent - joviale et conviviale.
Je suis né juste au-dessus de ce bistro, chez moi, une nuit d'hiver. Je n'ai jamais su s'il pleuvait ce soir-là sur Brest, ni si la patrouille de la Police Maritime y avait fait une descente. Lorsqu'ils débarquaient, ceux-là, ça ne rigolait pas. Coups de matraques solidement appliqués, et au poste des punis, après un séjour dans la cellule de dégrisement ...
Mon père ne mettait jamais les pieds dans ce bistro. Il n'aimait pas, et surtout, fallait pas mélanger : les matafs d'un côté, les ouvriers de l'Arsenal de l'autre, non mais ! Les ouvriers, pour leur part, étaient bien plus nombreux à être "casés", pères de famille ... Pas la même vie.
Des cris, des bribes de conversations montaient parfois jusqu'à l'étage :
 "Indochine", puis "Algérie" ...

2015. Le nombre d'ouvriers de l'Arsenal s'est réduit comme peau de chagrin. On ne reconnaît plus les matafs dans les rues, car ils sont en civil. La curiosité est attisée l'orque l'on croise un marin étranger en escale : le jeu consiste à reconnaître le pays à l'uniforme.
Durant mon adolescence, et plus particulièrement en 1968, je ne voulais plus entendre parler des bateaux gris, car j'étais, comme beaucoup alors, pacifiste et antimilitariste. Dans le premier port militaire français, cela faisait un peu désordre ... !
Mon amour (le mot n'est pas trop fort) allait au port de commerce. Les noms des navires, leurs pavillons, leurs équipages, que je rencontrais sur les quais, m'invitaient aux voyages, comme un Marius breton. Je restais de longs moments à tenter de deviner l'origine du bateau, sa cargaison, creusant ma mémoire des cours de géographie économique et humaine.
J'ai depuis, bien sûr, rangé la Mobylette qui, à défaut des océans, me menait presque tous les jours au Portde.
Les tas de charbon ont disparu, les petits bistros aussi. Une grande salle d'animations culturelles les a remplacés.
Perte de l'âme d'une ville ? Nostalgie, quand tu nous tiens ... Qui a écrit "sans passé nous n'avons pas de présent" ?
Ah, j'oubliais : "À l'abri de la tempête" est à présent une agence du "Crédit Patate", comme on dit à Brest.

Loïc

mercredi 24 juin 2015

Nexxo, le cheval fou

Tous les lanterneaux sont pourtant ouverts en grand, les "écoutilles" du tableau de bord soufflent tant qu'elles le peuvent un air chaud, tentant de nous refroidir ... Je saisis régulièrement ma bouteille d'eau, et engloutit goulûment ... Ma femme me pulvérise toutes les trois minutes sur la figure un jet d'eau qui me fait sursauter. Nous ne sommes vraiment pas habitués à cette chaleur lourde, accablante, qui nous anéantit.
Notre prochain camping-car, c'est sûr, aura la clim', bon Dieu !
Enfin - je commençais vraiment à perdre tout espoir - nous approchons du port de salut, voici l'aire de stationnement ! Sauvés ... Repos, douche : nous allons revivre ! Encore quelques efforts, car il nous faut bien garer "la bête". Dans le milieu des camping-caristes, cette chose porte beaucoup de noms plus ou moins heureux et appropriés, mais toujours très affectueux : BB (comme Boîte à bonheur), Baluchon (celui-là, je l'adore !) ...
Bien conscients d'avoir accompli aujourd'hui un exploit inégalé, nous avons, en un seul jour, "fait" le col du Tourmalet ET le cirque de Gavarnie ! Nous sommes cuits, à jeter, à ramasser à la petite cuiller, des lavasses.
Mais il ne faut jamais désespérer, et tout vient à point pour qui sait attendre : comme par miracle (ou plutôt grâce à Annie) devant moi, près du véhicule, sous l'auvent, nous attendent près des transatlantiques les petits gâteaux, les fruits givrés, le jus de fruit et l'apéritif. Nous communions alors, dans une extase qui nous envahit, à la joie indicible de l'Etape, orteils en éventail, un sourire béat en est le signe muet. Nous sommes au Ciel (y a-t'il un paradis des camping-caristes ?), ivres de plaisir et de fatigue. Devant nos yeux mi-clos défilent les merveilleux paysages de la journée ...
Ah mais ... Avant, il me reste à mettre en place les cales qui vont donner à notre bivouac ambulant une horizontalité bienvenue.

Ça y est, nous sommes prêts pour un repos réparateur, avant la prochaine étape. Certains pourront (oseront) prétendre que nous ne sommes pas à plaindre, mais ils auront tort, qu'ils se le tiennent pour dit.
Bien allongé dans mon transat, les yeux perdus dans le vague, je laisse mon regard vagabonder ...
Les cales, sous les deux roues à l'arrière, changent lentement de couleur. De jaune franc, elles se colorent à présent en un bleu ciel transparent. Leur pointe est un des innombrables sommets que nous avons pu admirer, des nimbes les couvrent puis s'estompent ...
La route de montagne est de plus en plus raide, les lacets se succèdent, interminablement, lancinants, mais je suis sous un charme inconnu, hypnotisé. Je monte vers le ciel, je ne m'arrêterai jamais. Les virages, les ravins, le vide à ma gauche, me paralysent et me transcendent tout à la fois.
Plusieurs fois j'ai dû m'arrêter, en sueur, pour laisser passer des vaches ou des moutons en liberté dans les alpages, mais cette fois-ci ce sont ... des lamas qui nous barrent le passage, guidés par le capitaine Archibald Haddock, qui arbore un large sourire assez inquiétant, car il ne présage rien de bon. Je ne lui connaissais pas cet air sadique, moi ... Tout à coup, de gros nuages forment un brouillard épais qui ne m'autorise qu'une visibilité de quelques mètres.
Une femme se tient près de moi : la fée Clochette. Elle m'a gentiment proposé de remplir la fonction de co-pilote. Comment refuser, bien sûr ? Si avenante, si aimable, si ... Mais j'arrête de divaguer, quand elle me crie soudain :
"Mais fais un peu attention à ce que tu fais ! J'en étais certaine, ce n'est pas la bonne route, nous voici perdus en pleine montagne, espèce d'idiot !"
"Je t'assure, Clochette, que ..." balbutié-je. Mais je me ravise : "Mais ne crois pas que je sois ignare au point de nous conduire n'importe où, j'ai bien préparé notre itinéraire. Et puis tu commences à m'agacer sérieusement, toi !
Clochette sent bien que cela ne va pas tarder à tourner au vinaigre : elle saisit alors, tel une baguette magique, le levier de vitesse, et l'agite en tous sens, proférant des formules cabalistiques que la bienséance ne me permet pas de répéter ici.
En un éclair, le brouillard se dissipe, un beau soleil apparaît en même temps qu'un merveilleux sourire sur le visage radieux de la fée.

Tout a repris son cours normal, et je roule de nouveau l'esprit libre, sur une route bien dégagée. Les platanes rythment l'allure du camping-car, dans l'alternance de leurs ombres et du scintillement des espaces. Je dépasse souvent des cyclistes, seuls ou en groupes, qui m'adressent des saluts amicaux lorsqu'ils ont aperçu nos deux vélos, accrochés bien sagement sur leur porte-vélo.
Je devise gaiement, abordant tous les sujets, et surtout en riant bien des plaisanteries que nous nous renvoyons. Nous les connaissons presque toutes, mais c'est tellement bon de les réentendre : "c'est encore meilleur réchauffé !"
Une casquette se présente, à ma gauche. "Tiens, une casquette", est ma seule réaction, d'une stupidité affligeante. Puis je réagis, freine, accélère, donne un coup de volant, le camping-car frôle le bas-côté. Une casquette, ce pourrait être celle d'un coureur ... S'ils en portaient encore ! Mais ce n'est plus le cas, et ici ... Il s'agit de celle du Kid. Oui, le kid, le gosse, de Charlie Chaplin, pédale à toute allure sur mon vélo (je le reconnais, c'est le mien, la sonnette est bleue, celle d'Annie est rose). Je ne sais ce qui me prend : j'ouvre ma vitre, et le traite de voleur, sans me demander comment ce vélo ... Mais le kid, bien sûr, ne comprend pas le français, et file devant, poursuivi par un trop mignon chien westie habillé en policeman qui souffle à perdre haleine dans un sifflet asthmatique.
Le Hollandais, lui, je le connais : C'est lui, celui qui suit sur le vélo d'Annie, qui a sympathisé sur le dernier camping, et qui a poussé la gentillesse jusque m'enseigner la fabrication du gouda. C'est lui, le Hollandais volant, qui décolle devant moi, pour faire le malin, avant de s'écraser sur la voûte d'un tunnel que je me suis bien gardé de lui signaler : Bien fait.

Bon, pas grave, me voici débarrassé des gêneurs. Je peux laisser Nexxo exprimer toute sa puissance, comme un cheval bridé qu'on libère. "Nexxo" ?  Ah, oui, c'est le nom officiel de ce véhicule, de la famille des Bürstner, vous avez bien connu ces gens-là.
Ne rigolons plus. Le turbo est lancé. Un ronflement de plus en plus violent envahit l'espace, gagne toute la vallée. L'antenne de TV, d'ordinaire si docile dans son logement du toit, en sort, hystérique, se tordant, twistant comme mon père quand il est gai, et elle commence à tourner, virevolter, accélère ... Nexxo décolle ! Un éclair gigantesque zèbre le ciel, le sol tremble sous ses sabots et sous mon volant, un énorme hennissement à rendre sourd jaillit, les jambes du cheval se raidissent, la crinière se dresse et fume : Mais il jouit, l'animal !
L'orgasme était trop puissant, le cœur n'a pas tenu. Mort instantanée. Le camping-car, désemparé tel un paquebot dans la tempête, sombre vers le fond du Cirque de Gavarnie ...
"Non mais ! Tu ne veux pas arrêter un peu de faire le clown ?"
La Belle au bois dormant (ou Annie ?) se rendort, allongée sur le lit du camping-car. Je n'avais pas remarqué qu'elle y montait, lorsque je me suis allongé sur mon transat.
Elle ronfle, ronfle. Elle aussi.
Elle a les traits de la fée Clochette.

Loïc

mardi 9 juin 2015

Châteaux de sable

Un vent léger caresse les hauteurs de la dune. Les oyats, plantés il y a quelques années par les élèves des écoles, s’agitent au bord du sentier de promenade qui invite les passants à jouir du spectacle de la mer sans détruire cette dune si fragile. On a enseigné aux enfants le respect de l’Océan, pour eux-mêmes, leurs enfants et les enfants de leurs enfants. « La Terre ne nous appartient pas, elle appartient à nos enfants » …
Elle s’est redressée lentement, s’est appuyée sur un coude. Elle a remis en place le coin de sa serviette de plage, soulevé par un petit coup de vent. Assise, elle redécouvre le livre commencé, puis posé sur le sable et oublié.
Christelle sourit : « Ce n’était sans doute pas intéressant, je n’y ai pas accroché ! » Elle se tourne sur l’autre flanc, offrant au soleil, resplendissant en ce milieu d’après-midi, son côté droit. Elle apprécie grandement ce moment privilégié d’une « petite bronzette ». Elle a la chance – on le lui répète tant – de vivre au bord de la mer : Elle se donne le droit de le mériter, et d’en profiter, à fond.
Encore un coup de vent… « Je n’aurais pas dû faire un shampooing juste avant de venir ici. Mes cheveux sont trop fins, ils volent dans tous les sens ; bonjour, la corvée de démêlage, ce soir ! »
Mais non, ce n’est pas le vent. Kevin, quatre ans, a entrepris (« je veux faire tout seul ! ») la construction d’un château de sable, comme il a vu faire les grands. Il y a renoncé après quelques minutes, car il faut que cela soit plus facile, et surtout que ça aille plus vite !
Il interpelle sa maman : « Hé, tu m’aides, je veux faire une piste ». Une piste, c’est cette route que l’on trace dans le sable à l’aide d’un bâton trouvé dans les laisses de mer. Sur ce circuit feront bientôt la course les petites voitures qui attendent dans le sac de plage de Christelle.
« Attends un peu, chéri, maman se repose… » De fait, elle cligne des yeux, dodeline de la tête.
« Je n’aurais pas dû, ce troisième verre de vin, à midi. Avec mes cachets, ça ne me va pas ». Un homme qui passerait là ne manquerait pas de porter son regard sur cette jeune femme au corps d’une plastique très agréable, mise en valeur par un joli maillot deux-pièces assez sexy. Mais le visage de Christelle exprime, lui, une immense lassitude, une fatigue très ancienne, certainement. Et surtout, ce regard perdu, vide, un regard de vieille, souffreteuse et désabusée.
-         « Oui, quoi, encore ?
-         C’est le sable, maman, il ne veut pas tenir, il n’est pas assez mouillé ! 
-         Laisse-moi, Kevin, tu commences à m’agacer. »
Christelle réagit alors avec résignation, se secoue, se lève et participe, avec la plus grande patience possible, à la construction de la piste de son petit garçon. Lui, promu au grade d’entrepreneur en chef, ne se prive pas de donner des ordres, des contre-ordres. Puis il se met à pousser des petits cris aigus d’insatisfaction, tape des pieds, car cela ne va pas comme il veut. Enfin, voici les pleurs …
Christelle reste sans réaction. Elle n’entend plus. Quelque chose l’a poussée à ne plus rien entendre, elle s’est recouchée sur le dos.
Des mots, des plaintes, puis des petits rires lui parviennent, de très loin. Kevin a pris le parti de jouer tout seul. Il en a l’habitude. Sa maman est souvent comme ça. Et comme il n’a ni frère ni sœur…
Elle a fixé longuement les nuages, qui passaient lentement, se déchiraient, se reformaient, parfois menaçants, puis cédaient aux avances du soleil.
Un cumulus lui adresse un clin d’œil : « Tu te souviens, petite Christelle, de ces énormes châteaux de sable que tu bâtissais avec tes deux grands frères, sur cette plage ? Tu te souviens de tes virées à vélo, quand tu pédalais vers ton petit paradis ? » 
Christelle soupire. Tendres soupirs, émus à l’évocation de sa jeunesse si simple et si heureuse ; mais soupirs de nostalgie, et de regrets, aussi.
Tout, finalement, s’est passé ici. Elle déroule le résumé de sa brève existence : Son enfance sans histoire, ses études au collège, à cinq kilomètres, puis au lycée, à seulement vingt kilomètres. Elle n’a jamais quitté son « pays ». Erreur ? Aurait-elle dû ? Lui aurait-elle fallu s’éloigner, quitter son nid, pour poursuivre en Fac sa formation en Littérature française, qu’elle adorait ?
C’est ici qu’elle s’est fixée (un petit sourire éclaire son visage : « comme une bernique sur son rocher ! »)
C’est ici, aussi, qu’elle l’a rencontré le « beau gosse », comme elle disait dans de grands éclats de rire… Sylvain n’avait eu aucune peine à la séduire : Elle avait succombé au coup de foudre, dès le premier regard ! Jeune, comme elle, athlétique, beau tout simplement, et tellement drôle, blagueur, et si tendre …
Elle a obtenu son Bac, assez facilement, mais sans s’y attendre, et, curieusement, sans en éprouver de plaisir particulier. Etait-il possible que ce fût normal qu’elle réussisse ? Elle avait culpabilisé devant son orgueil, puis cela s’était estompé…
La vie avec Sylvain avait été un rêve … durant six mois. Elle avait été, très rapidement, enceinte de Kevin. Plus question de Fac ! ni pour elle, ni surtout pour Sylvain, qui dévoilait son tempérament machiste et autoritaire. Cette attitude ne tarda pas à se manifester de façon régulière, de plus en plus pesante.
Christelle commença à se sentir, de jour en jour, totalement seule.
Seule devant sa caisse de supermarché, poste qu’elle abandonna vite à cause de ses « trop nombreux arrêts-maladie ».
Seule, face à l’éducation de Kevin ; « C’est l’affaire des femmes, ça ! » déclarait Sylvain, avec lequel les disputes étaient désormais très fréquentes.
Seule avec ses regrets… « Si je ne m’étais pas mariée… professeur de français, oui, j’en étais capable… J’étais trop jeune pour être mère… Ma jeunesse, gâchée… Et ce Kevin… si encore… » Frisson.
Seule avec ses rancoeurs… « Beau gosse ? » Joli cœur, oui ! Egoïste, infidèle (elle en était persuadée) il passait tous « ses » loisirs devant les matchs de foot, bière à la main, au bar-tabac-PMU d’à côté… « Comme un vieux Dupont-La-Joie ! » lui avait-elle lancé un soir.
Christelle, les yeux fixes, regarde le ciel. Elle voudrait l’interroger, mais ne sait comment formuler ses questions. En a-t-elle, seulement, des questions ?
Elle caresse doucement son sac de plage. Elle sait bien qu’elle y range ses médicaments, qu’il lui suffirait de…
« Merde, non ! Il ne faut pas ! Et Kevin, alors ? Je ne suis vraiment qu’une merde, c’est moi, la merde ! »
Etre seule, seule enfin… sans Sylvain, sans lui…
« Madame, madame ? Christelle sursaute. Le MNS porte devant elle son enfant. Elle sort péniblement de sa torpeur.
« Il a échappé à votre surveillance, nous l’avons rattrapé alors qu’il était déjà en grande difficulté dans le courant. Vous savez bien, Madame, qu’il y a beaucoup de courant, ici, et des grosses vagues ! »
Si elle le sait bien …
Christelle ne sait plus où elle est. Elle bondit, court vers la mer, laissant Kevin dans les bras du MNS. Elle revient, l’air hagard, tourne dans tous les sens comme une toupie. Elle serre son ventre entre ses mains, comme atteinte de violentes douleurs, puis fait de grands moulinets avec les bras, secoue la tête, s’arrache les cheveux…
« Surveillance, surveillance, surveillanceu ! » chante-t-elle. « La mer, la mèreu, en surveillanceu !... »
« Venez, Madame. Nous allons appeler un médecin »
« Un médecin ? Mais … cet enfant va très bien, non ? »
« Un médecin… pour vous, Madame … »


Loïc