lundi 4 avril 2011

PASSERELLE


« Rue du Moulin à Poudre », « Rampe du Merle Blanc »… Ces noms si jolis, si doux, dans des lieux si noirs… Moulin coupe-gorge, merle étouffé de fumée, lieux pourtant chéris, si pleins de souvenirs d’après-guerre…
C’est là, sur une passerelle, au sommet de cette rampe montant du Port de Commerce, que mon oncle – enfin, un cousin à Papa – un féru de trains, grandeur nature ou modèles réduits, avait coutume de nous conduire, commentant, de ce belvédère, tous les mouvements de tri, les manœuvres d’aiguillage, rendant passionnant tout ce remue-ménage bruyant, métallique, noir, crasseux… un univers de « Bête Humaine ».
Le plaisir suprême, c’était quand la loco passait sous la passerelle, nous crachant à la figure sa fumée écoeurante et ses scories rendues poisseuses par ce fameux crachin brestois.
Maman allait encore protester de notre état… Nous rentrions les yeux piquants, les oreilles bourdonnantes… ça valait tous les films du Patro Saint-Louis, le jeudi après-midi !
Ce jour-là, Papa et Maman étaient venus aussi, pour une fois.
Elle parlait à mon père, doucement. Je l’observais. Quelque chose m’intriguait, confusément. Puis je leur demandai : » Mais qu’est-ce que vous vous racontez ? »
Alors, elle prononça, d’une voix délicieuse : » Nous cherchons un prénom, pour le petit frère qui arrive !… »

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