Vie de
clown…
Ludivine,
dans son fauteuil –elle y passe une bonne partie de chaque journée– fixe le
plafond, le regard vide, ou plutôt empli d'une tristesse résignée, qui semble
coller à son visage à jamais. Sa maman Paola, régulièrement, remonte le mécanisme
du tourniquet musical reçu en cadeau lors de son second anniversaire. Une vague
réaction, imperceptible.
Elle aura
sept ans ce soir. On ne sait même plus si elle-même le sait… mais maman a prévu
: son sketch, le matériel, la petite chanson. Elle sait faire, maman. Elle a
exercé en école maternelle, avant de se
résoudre à rester s'occuper de son élève désormais unique.
Elle va
faire comme d'habitude. De toute façon, tout changement passe totalement
inaperçu. Les mots, les gestes, les gags, seront des repères, rassurants. Mais
le gâteau trône tout de même aujourd'hui, avec ses sept bougies. Pour le reste
elle se fie à son instinct. Et puis, elle fait partie du Q.I., le groupe de
théâtre « Quimper–improvisation »: ça aide !
Elles ont commencé
leurs jeux convenus. Les yeux de Ludivine suivent lentement les gestes précis
de Paola.
Soudain :
la sonnerie tonitruante à la porte d'entrée. Tout se bouscule. Les yeux de
l'enfant s’écarquillent, comme Paola ne les a jamais vus. Un clown, oui, un
vrai, en costume, en grands pieds, en nez
rouge, en visage tout peinturluré, est entré. Il a tout compris, tout de suite,
car les clowns c'est magique, ça comprend tout, pas comme les grandes
personnes. Il a surtout compris son erreur d'adresse, mais il rattrapera le
coup plus tard.
C'était un
clown professionnel, de l'association « le clown médecin». Je ne dirai pas ce
qu'il a fait, ce qu'ils ont fait, Paola et lui. Mais c'était magique,
surnaturel.
Depuis,
Paola a repris goût à la vie, la sienne et celle de Ludivine.
L'enfant,
elle, n’effacera pas de ses lèvres son merveilleux sourire, et n’éteindra pas
les étoiles dans ses yeux…